Attaché à l’acte thérapeutique, le soin exige savoir, méthode et technique. C’est parce qu’il est soutenu par un long apprentissage pratique et théorique que le geste, la prescription, l’opération du médecin est efficace, c’est parce le médicament est scientifiquement élaboré, contrôlé, testé, qu’il arrive à extirper la maladie. Mais la médecine n’est pas, ou n’est plus, un «art mécanique» – mais une science humaine, qui a affaire à des sujets qui, malades certes, sont des personnes, avec leurs particularités, leurs caractères, leurs rêves, leurs projets, leurs peurs, leurs émotions, leurs logiques de pensée. La compassion, quant à elle – à savoir le sentiment par lequel un individu perçoit émotionnellement la souffrance d’autrui – est l’une des rares «positions» humaines capable d’engendrer, comme a pu l’écrire Martha Nussbaum, une action vouée à l’allègement de la douleur d’autrui. Elle exige de se rendre là où « cela fait mal », d’entrer dans les lieux de chagrin et de peine, de partager l’isolement, la peur, la confusion, l’angoisse, le désespoir – afin de faire que la souffrance de l’autre ne demeure pas, justement, «autre». Mais a-t-elle des vertus «thérapeutiques»? Peut-elle soigner? Plus exactement, comment dans le champ médical, infirmier, assistanciel, soin et compassion peuvent-ils se mêler – selon quelle «posologie» – de sorte que le soin implique des rapports «compassionnels», faits d’écoute, d’attention, de sollicitude, et que la compassion, si elle fait du bien aux soignés, n’expose pas les soignants à une surcharge émotive, une «fatigue de compassion», un épuisement psychique et physique, un haut degré de stress, un sentiment d’impuissance?
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Table ronde // Soin et compassion. Soigner avec humanité
Robert Maggiori, Cynthia Fleury, Jean-François Ciais, Zona Zarić