Si l’intention de faire le mal est déjà un mal, l’intention de faire le bien n’est pas encore un bien : la morale exige que du constat d’une justice ou d’une forfaiture, on passe à l’action susceptible de les réparer. Mais cette action ne peut pas être elle-même illégitime, illicite, factieuse ou frauduleuse, car dans ce cas le moyen pervertirait la fin qu’on vise. C’est toute la difficulté de l’action politique, qui ne peut guère sortir du cadre légal et du droit, alors même qu’elle essaierait de contenir ou juguler des actions menées hors de ce cadre. Si elle a eu le mérite d’alerter et d’éveiller les consciences, de mettre sous les yeux de tous (ceux et celles, du moins, que le conspirationnisme, le négationnisme et le scepticisme n’ont pas aveuglés) la nécessité et l’urgence de contrer ou limiter les conséquences catastrophiques du changement climatique, l’écologie se trouve aujourd’hui devant la difficulté de « faire partager » son discours de façon à ce qu’il devienne une « force matérielle » transformatrice, la force de l’action politique elle-même. Comment peut-elle s’y prendre ? Les formes conventionnelles de persuasion – qui vont de l’activité institutionnelle, des initiatives informationnelles et pétitionnaires, à des formes moins institutionnelles de contestation pacifique, de grèves, de boycotts – n’ont pas suffi, comme n’ont pas suffi les actions de confrontation, comprenant les occupations, les blocages, les affrontements brutaux avec les forces de l’ordre. Dès lors, faut-il en appeler à une « radicalisation » non seulement du discours mais de l’activité, ou l’activisme écologique ? Mais comment faut-il entendre une telle « radicalisation », qui soit telle qu’elle puisse ne pas utiliser la violence ni emprunter la voie qui, de l’action politique dans un cadre démocratique, conduirait à l’« action directe », terrorisante ?
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La radicalisation écologique est-elle inévitable ?
Alexandre Kouchner, Serge Audier, Aïnoha Pascual, Thierry Paquot