Lorsque, dans un symposium – Platon en porte témoignage – les Grecs « banquetaient », c’est-à-dire mangeaient, buvaient, discutaient de politique et de philosophie, s’embrassaient et plus encore, les conseils de « modération » n’avaient rien de « sanitaire », ne touchaient pas tellement la consommation même du vin, mais avaient plutôt une visée « dialectique », autrement dit invitaient à boire selon la mesure du bien parler et du bien penser – à boire assez pour égayer le langage et stimuler la pensée, en s’arrêtant juste avant que les vapeurs de l’alcool n’abrutissent l’esprit. Outre les yeux, l’ivresse peut-elle faire briller l’intelligence et la pertinence du philosophe, au lieu de les noyer ? Ou bien l’ivresse n’est-elle que celle de l’exercice même de la philosophie, lorsque, se déployant, s’affolant, s’illuminant, il parvient à « toucher » ce qui ne l’avait pas encore été, à penser ce qui n’avait pas encore été pensé ?