En colère

Michel Erman, Sophie Galabru et Gisèle Sapiro

Philo TV

Un simple éternuement, on le sait, efface tous les états d’âme, et l’espace d’un instant, ne fait plus rien exister. Dans une autre dimension, il en va de même pour la crise de colère. A elle seule, elle soumet toutes les autres émotions, et emporte tout, le cœur, la volonté, la raison. De plus, on ne peut ni la prévenir – bien qu’on pressente indistinctement qu’elle «monte» – ni tout à fait la retenir, bien qu’à un moment on sente que «ça se calme». Il est même difficile de seulement en «parler», puisque, avant qu’elle n’éclate, on n’en imagine même pas la violence, lorsqu’elle explose, elle broie toute parole sous ses vociférations, et lorsqu’elle s’apaise et se dissipe, elle fait aisément croire qu’elle n’a pu soudre de moi, mais d’un sujet «hors de lui». Improductive, inconvenante, s’épuisant dans sa propre fureur, la colère a donc souvent été mise au ban. Pourtant, si elle naît de ce que les choses ne vont pas au train que l’on souhaite, que la matière que l’on travaille résiste, que ce que l’on veut dénouer ne se dénoue pas, et, dans les cas plus graves, qu’autrui (un pouvoir, une institution…) ne se comporte pas comme on le voudrait, ou, pire, nous offense, nous fait du tort, nous agresse, limite indûment nos droits ou notre «puissance d’exister», nous humilie, considère que notre vie, précaire, sans dignité, doit se tenir coite, ne peut-elle pas apparaître comme une saine révolte, une nécessaire restauration de l’image de soi, lacérée, salie? Ne mérite-t-elle pas, dès lors, quelque éloge, elle qui éloigne de l’indifférence, de l’apathie, de la résignation, et n’accepte pas qu’on laisse le mal en l’état? Si, pour l’individu, elle est une «une ressource de vitalité», quelles vertus, ou quels défauts, la colère peut-elle avoir lorsque, puissant fleuve fait des mille affluents des rages individuelles, elle devient sociale, force sociale et politique?

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En colère

Gisèle Sapiro, Michel Erman, Sophie Galabru, Robert Maggiori
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