Comme la liberté, la fraternité a davantage un pouvoir incantatoire qu’un sens rigoureux – autre que celui de lien crée par l’appartenance à une même famille biologique. De plus, le terme s’impose et est élevé en drapeau moral, qui enferme dans ses plis et phagocyte celui, tout aussi digne, de sororité. A strictement parler, la fraternité échappe au champ opératoire de la politique et fuit toute juridiction: aucune «mesure» ne la crée, aucune loi ne la façonne, aucun décret ne l’oblige. Dans la Constitution française, le mot n’est cité que trois fois, une fois comme devise nationale (liberté, égalité, fraternité), une fois comme «idéal commun». Puisqu’elle n’exprime «aucune exigence précise» (John Rawls), les chartes constitutionnelles internationales l’ignorent. Elles préfèrent convoquer la solidarité. Pourquoi en effet conserver cette référence, certes délavée, estompée, aux liens de sang? Il est vrai que la solidarité a une étrange histoire. Le solidum désignait à l’origine une monnaie (on l’entend davantage dans l’italien soldo que dans le français sou, mais assez bien dans solde, ou soldat), mais en droit romain «in solidum obligari» signifiait que divers débiteurs s’engageaient à payer les uns pour les autres et chacun pour tous la somme à rembourser. C’est la Révolution française qui extirpe la solidarité du champ juridique et économique, et l’applique à l’attitude de secours, de soutien mutuel entre citoyens et citoyennes. Désormais, elle ne désigne plus qu’un rapport de «fraternité» justement, mais ou être frères et sœurs n’a pas de sens, puisque la solidarité ne pousse pas à aider une personne parce qu’elle est membre de ma famille, mais suscite une entraide qui implique tous les membres d’une collectivité unis dans un sentiment de commune appartenance au groupe, à la communauté, à la société, à l’humanité toute entière. Ce qu’active la solidarité, c’est la priorité, sur le souci de soi, de la cohésion sociale, la «responsabilisation» de tous pour ce qui peut arriver à chacun et l’engagement à porter secours si ce qui arrive provoque une perte – de liberté, de justice, de ressources, de dignité, de respect. Dès lors, «Liberté, Egalité, Solidarité» serait une belle devise.
La solidarité
En collaboration avec les organisations à vocation sociale et solidaire : Amade, Fight Aids Monaco, Licra, Peace & Sport.
Avec la participation des élèves et des professeurs de philosophie de l’institution François d’Assise – Nicolas Barré et du Lycée Albert 1er de Monaco.
Intervenants
Raphael Zagury-Orly
Membre fondateur / Philosophe
Raphael Zagury-Orly, philosophe, a enseigné dans de nombreuses universités et écoles d’art en Europe et en Israel. Il est actuellement…
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Patrick Savidan
Philosophe, membre du Jury
Patrick Savidan est professeur à l'université Paris II Panthéon-Assas. Il a co-fondé et est président de l'Observatoire des inégalités ainsi que…
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Judith Revel
Philosophe, membre du Jury
Philosophe et traductrice, Judith Revel est professeure à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l'Institut Universitaire de France. Elle travaille…
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Guillaume Le Blanc
Philosophe
Guillaume Le Blanc est philosophe et professeur de philosophie. Son travail porte essentiellement sur la question de la « critique…
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Sandra Laugier
Philosophe, membre du Jury
Sandra Laugier est professeure de philosophie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et membre de l'Institut universitaire de France. Ses recherches portent sur la…
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