Au diable la vérité !

Matinale

Cet événement est intégré au cycle « Semaine PhiloMonaco 2025 »

Peut-on ne plus se soucier de la vérité, la considérer inutile ou hors d’usage, et, désormais vêtue de vieux oripeaux, la jeter à la poubelle? De prime abord, cela serait folie: on se condamnerait à vivre dans un monde nocturne où tous les chats sont gris, où tout vaut tout, un monde d’illusions et d’erreurs, de soupçons, de mensonges et de tromperies, d’attrape-nigaud, de faux-semblants et mystifications… Toute parole serait mitée de doutes: le discours politique serait de publicitaire, le discours scientifique de bonimenteur, le discours moral de beni-oui-oui, et, toute confiance perdue, on ne croirait même plus que les panneaux routiers indiquent de bonnes directions, on voulait voir Honfleur, on verrait Vierzon. Aussi devrait-on penser qu’envoyer au diable la vérité n’a pas un sens aussi expéditif et radical: l’emprise de la vérité serait trop fort, et on voudrait s’en dégager quelque peu, retrouver la liberté de quelques mouvements, peut-être vers le vraisemblable, le probable, l’incertain, voire l’erreur – laquelle, on le sait, a quand même bien des vertus, dont celle de faire, par sa correction, progresser la connaissance. Si la vérité a le visage hideux du dogmatisme, il ne serait pas inutile en effet de la dérider ou d’en dégonfler l’arrogance, en lui indiquant poliment qu’il n’est jamais de vérité absolue, qu’elle peut dépendre des points de vue, des contextes historiques, des cultures, des idéologies, des rapports de pouvoir, de l’efficacité, de la construction du langage, et même de la subjectivité des individus… Il n’est pas sûr que, enfermée dans sa dureté d’acier et sa certitude, elle s’en trouve ébranlée et s’ouvre à la critique, comme il n’est pas sûr que cette critique, si elle n’est pas assez prudente et nuancée, puisse éviter de se trouver elle-même dans l’absurdité de jeter le bébé avec l’eau du bain ou s’exercer sur le terrain brumeux du «tout est pareil».

Intervenants

Étienne Bimbenet

Philosophe, membre du Jury

Ancien élève de l’École normale supérieure et actuellement professeur à l’université Bordeaux-Montaigne, il enseigne la philosophie contemporaine et la phénoménologie.…

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Camille Riquier

Professeur et doyen de la faculté de philosophie à l’Institut Catholique de Paris, membre du Jury

Camille Riquier est professeur et doyen de la faculté de philosophie à l’Institut Catholique de Paris, membre de la revue…

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