Prix de la Principauté 2020

Le Prix de la PrincipautĂ© 2020 a Ă©tĂ© remis conjointement par Les Rencontres Philosophiques de Monaco et la Fondation Prince Pierre de Monaco à HĂ©lĂšne Cixous pour l’ensemble de son Ɠuvre le mardi 13 octobre 2020 Ă  la Salle Garnier Ă  Monaco.

Le laurĂ©at du Prix de la PrincipautĂ© est invitĂ© Ă  donner une confĂ©rence dans l’annĂ©e qui suivra la remise du Prix.

HĂ©lĂšne Cixous

Professeure, Ă©crivaine, auteure dramatique, philosophe, et grande figure du fĂ©minisme, HĂ©lĂšne Cixous est nĂ©e le 5 juin 1937 Ă  Oran. Elle est la fille d’Ève Klein, sage-femme juive allemande nĂ©e Ă  OsnabrĂŒck, et du mĂ©decin Georges Cixous, juif nĂ© Ă  Oran, qui meurt de la tuberculose alors qu’elle a dix ans. AgrĂ©gĂ©e d’anglais en 1959, elle consacre en 1968 sa thĂšse de doctorat Ă  Joyce (l’Exil de Joyce ou l’Art du remplacement). Avec Jacques Derrida, elle est Ă  l’origine de la crĂ©ation de l’universitĂ© de Vincennes et y crĂ©e le Centre d’études fĂ©minines et d’études de genre, pionnier en Europe. En 1969, elle participe Ă  la fondation de la revue PoĂ©tique, avec Tzvetan Todorov et GĂ©rard Genette, et en 1973 Ă  celle du Centre national des lettres (aujourd’hui Centre national du livre). Depuis 1983, elle tient un sĂ©minaire au CollĂšge international de philosophie.

Jacques Derrida reste son premier lecteur, ce dont tĂ©moigne sa longue Ă©tude H.C. pour la vie, c’est-Ă -dire
(2002). Leur amitiĂ© et leurs Ă©changes permanents ont jouĂ© un rĂŽle considĂ©rable dans l’Ɠuvre et la vie d’HĂ©lĂšne Cixous, qui a de son cĂŽtĂ© publié Insister. À Jacques Derrida (2006). Ils partagent aussi des publications communes ou croisĂ©es, comme Voiles (1998), oĂč se tissent leurs voix Ă  partir d’une fiction hantĂ©e par la myopie et l’aveuglement, illustrĂ©e par Ernest Pignon-Ernest.

CĂ©lĂ©brĂ©e de longue date aux États-Unis, l’Ɠuvre d’HĂ©lĂšne Cixous a longtemps étĂ© marginalisĂ©e en France en raison de rĂ©sistances parfois haineuses Ă  ses engagements. Son Ɠuvre majeure, fruit d’une biographie qui croise quelques-unes des principales tragĂ©dies du 20e siĂšcle, retrouve aujourd’hui sa juste place dans le paysage contemporain. Ses rĂ©cits et fictions, au genre souvent indĂ©finissable, dĂ©ploient la grande histoire sur une scĂšne intime, pour en dĂ©coudre avec tout le thĂ©Ăątre de l’inconscient. La figure du pĂšre disparu hante son Ɠuvre depuis Dedans, son premier roman, prix MĂ©dicis en 1969. Son Ɠuvre traduit bien sĂ»r ses divers engagements, notamment fĂ©ministe. Nombre de ses livres ont Ă©tĂ© publiĂ© aux Ă©ditions Des femmes. Elle Ă©voque la femme en tant que corps sexuĂ© et Ă©crit l’émergence d’une femme Ă©mancipĂ©e de la tutelle de la sociĂ©tĂ© masculine (Souffles, 1975 ; LĂ , 1976 ; Angst, 1977 ; AnankĂš, 1979 ; le Livre de Promethea, 1983). Son essai Le Rire de la MĂ©duse (2010) est considĂ©rĂ© comme une Ɠuvre dĂ©terminante du fĂ©minisme moderne.

L’engagement primordial d’HĂ©lĂšne Cixous n’en reste pas moins l’engagement littĂ©raire, qui passe par l’enseignement et de nombreux essais, sur les Ɠuvres de Clarice Lispector, Maurice Blanchot, Franz Kafka, Heinrich von Kleist, Montaigne, Ingeborg Bachmann, Thomas Bernhard, et la poĂštesse russe Marina Tsvetaeva. La fiction est aussi le lieu d’une rĂ©flexion sur l’écriture : tout ayant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dit par la littĂ©rature, il s’agit pour elle de dire autrement, dans une langue neuve, audacieuse et onirique. Ses livres, de plus en plus, libĂšrent la narration par le jeu laissĂ© au signifiant qui les emporte : Tours promises (2004) propose en son premier tiers un vĂ©ritable art poĂ©tique. Ses derniers livres travaillent la peau du temps Ă  travers le personnage rĂ©current de sa mĂšre : HyperrĂȘve (2006), HomĂšre est morte (2014), Gare d’OsnabrĂŒck Ă  JĂ©rusalem (2016), Correspondance avec le mur (2017). HĂ©lĂšne Cixous est Ă©galement auteure de thĂ©Ăątre, et ses piĂšces ont Ă©tĂ© mises en scĂšne par Simone Benmussa au thĂ©Ăątre d’Orsay, Daniel Mesguich au ThĂ©Ăątre de la Ville, et surtout Ariane Mnouchkine, avec qui elle collabore depuis les annĂ©es 1980, ainsi qu’avec toute la troupe du ThĂ©Ăątre du Soleil Ă  la Cartoucherie. Elle pratique une dramaturgie du dĂ©tour, oĂč la fresque historique et la parabole critique ont pour vocation de parler du temps prĂ©sent, drame du sang contaminĂ© dans la Ville parjure ou le RĂ©veil des Erynies (1994), crises du pouvoir politique dans Tambours sur la digue (2000), ou attentats de 2015 dans Une Chambre en Inde (2016).

Docteur Honoris Causa, HélÚne Cixous a reçu de nombreux prix et distinctions.
En 2016, elle est dĂ©corĂ©e Commandeur des Arts et Lettres et reçoit la mĂȘme
annĂ©e le prix Marguerite Yourcenar qui rĂ©compense l’ensemble de son Ɠuvre.