Maman quand tu mourras, tu resteras avec moi, mais comment?

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Vinciane Despret, philosophe, rĂ©pond Ă  la question d’Agathe, 6 ans.

Les Rencontres Philosophiques de Monaco vous proposent chaque semaine une question d’enfant Ă  laquelle rĂ©pond un philosophe.

Cette semaine Vinciane Despret, philosophe et intervenante aux Rencontres Philosophiques de Monaco, rĂ©pond Ă  la question d’Agathe, 6 ans.

 

ChĂšre Agathe, les seules personnes qui peuvent convenablement rĂ©pondre Ă  ta question, Ă  mon avis, sont des petites filles qui ont perdu leur maman et qui ont appris comment leur maman continuait Ă  les aider en n’Ă©tant plus lĂ  comme avant, mais en Ă©tant lĂ  quand mĂȘme. On ne sait pas oĂč on va quand on est mort, ni ce que l’on devient. Tout ce que l’on sait, c’est que l’on ne peut plus ĂȘtre lĂ  comme avant. Alors on doit inventer des moyens, et c’est exactement ce que nous dit ta question. Et c’est aussi exactement la question que posent toutes ces petites filles, mais les grandes filles aussi, et les adultes aussi encore. On se demande comment on doit faire. Comment on doit faire pour aider sa maman Ă  ĂȘtre encore lĂ . Toutes les petites filles et les grandes apprennent Ă  trouver ces moyens, et c’est donc tout un travail. Note que les garçons le font aussi mais comme tu es une petite fille, je rĂ©ponds pour les petites filles. VoilĂ  ce qu’elles apprennent. Beaucoup disent qu’elles continuent Ă  parler avec leur maman et que quand elles parlent, elles sentent que leur maman est encore lĂ , d’une certaine maniĂšre. Parfois elles demandent conseil, elles disent qu’elles se sentent aidĂ©es dans ces cas lĂ . Certaines ont aussi gardĂ© des choses, des objets que leur maman aimait, ou qui rappellent quand elle Ă©tait lĂ , et c’est comme si elle Ă©tait encore lĂ . Il y en a aussi qui, quand elles rĂȘvent, voient leur maman venir, leur sourire, leur demander des nouvelles, leur parler. Et comme on ne sait pas trĂšs bien comment on fabrique les rĂȘves, on peut penser que maman a profitĂ© d’un rĂȘve pour rendre visite et consoler. Certaines disent que quand elles pensent trĂšs fort Ă  leur Maman, il est possible que cette Maman sente que l’on pense Ă  elle et que ça doit lui faire plaisir. D’autres ont des photos et se souviennent avec ces photos de tous les bons souvenirs. Et regarder les photos, c’est faire que Maman soit de nouveau lĂ . Et puis il y a des petites filles qui deviennent un peu plus grandes, et qui un jour, en se voyant dans le miroir, rĂ©alisent que ce qu’elles voient, parce qu’elles ressemblent Ă  leur Maman, c’est une partie de leur maman qui est restĂ©e en elle. C’est le sourire de leur Maman qui continue Ă  sourire dans leurs sourires. Or ce sont les yeux de leur Maman qui quand elles se regardent les regardent. Mais cela peut aussi ĂȘtre les cheveux, ou une façon de parler, de se tenir, ou mĂȘme de rire. Alors, alors ces petites filles lĂ , devenues grandes, savent que leur maman est toujours restĂ©e avec elle. Et qu’elle continue de vivre, d’une autre maniĂšre. Et ces petites filles lĂ , devenues grandes, sont alors bien heureuses de savoir qu’elles ont rĂ©ussi Ă  rĂ©pondre Ă  ta si jolie question. Comment nos Mamans quand elles seront mortes, pourront-elles rester avec nous.

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