La singularité de l’esthétique est de faire apparaître une représentation harmonieuse de l’homme et de la société. Cependant, elle ne saurait se cantonner à cette tâche : elle s’aventure aussi dans l’examen de ce qui déborde toute représentation conceptuelle du Beau. En effet, l’esthétique expose aussi la pensée à ce qui lui arrive et qu’elle ne peut convertir en représentation : elle l’entraîne dans une confrontation abyssale avec le sublime. Or c’est très précisément là que se situe l’impossibilité de distinguer la beauté de l’horreur, l’harmonie de la monstruosité, la raison de l’injustifiable. C’est dans ce lieu d’indifférenciation que l’homme court le risque d’abîmer la possibilité même de sa rationalité, et de s’ouvrir à la propagation d’une violence inhumaine sans nom. Si l’esthétique renferme bien une forme de connaissance, comment peut-elle nous fournir une compréhension de cette violence incompréhensible et injustifiable, et les moyens de l’endiguer ?