Jacques Rancière
Philosophe
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Prix de la Principauté 2023
Bibliographie
La leçon d’Althusser
En 1974 Jacques Rancière examinait la leçon de marxisme donné par le philosophe Louis Althusser à un collègue anglais et en faisait l’occasion d’un bilan sur l’althussérisme lui-même.
Althusser avait imposé dans les années 1960 l’idée d’un retour à la vraie pensée de Marx, en phase avec les formes nouvelles de la pensée structuraliste (ethnologie de Lévi-Strauss, psychanalyse lacanienne, archéologie du savoir de Foucault) mais aussi avec les nouveaux espoirs révolutionnaires qui secouaient la planète à l’heure des luttes de décolonisation et de la révolution culturelle chinoise.
Or les événements de 1968 avaient montré le total décalage de ce marxisme renouvelé par rapport aux aspirations portées par les mouvements de la jeunesse et aux formes prises par la mobilisation populaire. La pensée du renouveau théorique et politique s’était transformée en pensée de l’ordre. Mais aussi, dans le contexte de l’après-68, cette pensée de l’ordre ne pouvait trouver son efficacité qu’en s’exprimant dans le langage de la subversion.
La Leçon d’Althusser s’attachait à dégager les conditions de ce renversement en examinant le coeur politique de la philosophie althussérienne, l’opposition de la science et de l’idéologie, à la lumière de l’histoire récente mais aussi à celle de la tradition ouvrière et révolutionnaire. Ce texte devenu introuvable est aujourd’hui réédité avec une préface de l’auteur qui en souligne l’actualité : le destin de cette pensée de la subversion devenue une justification de l’ordre existant n’est que le premier épisode d’un mouvement politique et intellectuel bien plus vaste.
Des années 1970 jusqu’à notre présent nous avons été témoins d’une vaste contre-révolution politique et intellectuelle dirigée contre tous les acquis des mouvements populaires d’un siècle et contre toute idée d’émancipation. Or cette contre-révolution a continuellement recyclé à son profit tous les thèmes de la pensée marxiste et critique d’hier. La Leçon d’Althusser mettait en lumière le mécanisme fondamental de ce processus et anticipait en ce sens le travail poursuivi par Jacques Rancière jusque dans des livres récents comme La Haine de la démocratie et Le Spectateur émancipé.
Ce travail est donc propre à aider à la compréhension du présent et à la reformulation d’une pensée de l’émancipation.
ISBN : 9782358720311
Lien vers l'éditeurLa nuit des prolétaires
Archives du rêve ouvrier
Suivant l’histoire d’une génération, ce livre met en scène la singulière révolution intellectuelle cachée dans le simple nom de « mouvement ouvrier ». Il retrace ses chemins individuels et collectifs, ses rencontres avec les rêves de la communauté et les utopies du travail nouveau, sa persistance dans la défection même de l’utopie.
Le philosophe et ses pauvres
La première question philosophique est une question politique : qui peut philosopher ? Pour Platon, les citoyens doivent accepter un « beau mensonge » : la divinité a donné aux uns l’âme d’or des philosophes, aux autres l’âme de fer des artisans. Si les cordonniers ne s’occupent que de leurs chaussures, la cité sera en ordre et la philosophie protégée de la curiosité des « bâtards ».
Au XIXe siècle, les cordonniers s’agitent et des philosophes viennent proclamer le grand changement : le producteur désormais sera roi et l’idéologue esclave. Pourtant, à suivre le parcours de Marx, la science du nouveau monde prend une allure déconcertante : le « vrai » prolétaire est toujours à venir, le Livre interminable, et le savant récuse tous ceux qui tentent d’appliquer sa science.
Sartre affronte le paradoxe : l’ouvrier devient le gardien absent du monde du philosophe, et ce dernier doit loger ses raisons dans les raisons du Parti. Chez Bourdieu, la critique supposée radicale des distinctions culturelles et des illusions philosophiques n’exprime plus que l’ordinaire d’un ordre où la démocratie s’est abîmée en sociocratie.
Le philosophe n’est plus roi. Mais le professionnel de la pensée s’assure à bon compte d’un regard « lucide » sur l’aveuglement de son voisin, pour la bonne cause d’un peuple toujours prié de rester à sa place.
ISBN : 9782213653006
Lien vers l'éditeurLe Maître ignorant
Cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle
En l’an 1818, Joseph Jacotot, révolutionnaire exilé et lecteur de littérature française à l’université de Louvain, commença à semer la panique dans l’Europe savante. Non content d’avoir appris le français à des étudiants flamands sans leur donner aucune leçon, il se mit à enseigner ce qu’il ignorait et à proclamer le mot d’ordre de l’émancipation intellectuelle : tous les hommes ont une égale intelligence. On peut apprendre seul, sans maître explicateur, et un père de famille pauvre et ignorant peut se faire l’instructeur de son fils. L’instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas, elle se prend. Elle s’arrache aux monopoleurs d’intelligence assis sur le trône explicateur. Il suffit de se reconnaître et de reconnaître en tout autre être parlant le même pouvoir.
Il ne s’agit pas de pédagogie amusante, mais de philosophie et, si l’on veut, de politique. La raison ne vit que d’égalité. Mais la fiction sociale ne vit que des rangs et de leur inlassable explication. À qui parle d’émancipation et d’égalité des intelligences, elle répond en promettant le progrès et la réduction des inégalités : encore un peu plus d’explications, de commissions, de rapports et de réformes, et nous y arriverons. La société pédagogisée est devant nous. À sa manière moqueuse, Joseph Jacotot nous souhaite bon vent.
ISBN : 9782213019253
Courts voyages au pays du peuple
Au bout de la ligne, un peu à l’écart du fleuve, vit cet autre peuple qu’on appelle simplement le peuple. Des voyageurs s’arrêtent, surpris.
Wordsworth, le poète des lacs, traverse la Révolution française, Büchner croise un pèlerin de l’Utopie saint-simonienne, Michelet et Rilke, devant la servante ou l’ouvrière, rêvent de vie réconciliée pendant que les prolétaires rêvent des mers du Sud et vont quelquefois y chasser la baleine. Sur l’écran, Ingrid Bergman incarne la femme du monde découvrant l’autre côté de la société.
Dans ces Courts voyages, Jacques Rancière nous invite à repenser les rapports entre les images et les savoirs, l’utopie et le réel, la littérature et la politique.
ISBN : 9782020115445
Lien vers l'éditeurLes Noms de l’Histoire
Essai de poétique du savoir
Une histoire, au sens ordinaire, c’est une série d’événements qui arrivent à des sujets généralement désignés par des noms propres. Or la révolution de la science historique a voulu révoquer le primat des événements et des noms propres au profit des longues durées et de la vie des anonymes. C’est ainsi qu’elle a revendiqué en même temps son appartenance à l’âge de la science et à l’âge de la démocratie.
Mais l’âge de la démocratie et de la science des grands nombres est aussi celui du trouble littéraire et révolutionnaire : de la multiplication des paroles, des récits séduisants et des mots excessifs. Des rois y perdent leur tête et la rationalité semble parfois s’y abîmer.
Les historiens veulent garder leur tête et connaître les choses en les dépouillant de leurs noms trompeurs. Mais les choses de l’histoire ont cette propriété déroutante de s’évanouir quand on veut les rendre à leur simple réalité. La limite de la croyance scientiste en histoire, c’est l’évanouissement de l’histoire elle-même, le nihilisme révisionniste et la rumeur désenchantée de la fin de l’histoire.
Il apparaît alors que l’histoire, pour devenir science sans se perdre elle-même, a besoin de quelques tours de littérature : une autre manière de raconter la mort des rois, un autre usage des temps du récit et l’invention de personnages d’un genre nouveau, les témoins muets. C’est seulement ainsi qu’elle peut articuler en un seul discours un triple contrat scientifique, narratif et politique.
Dans ce livre, Jacques Rancière propose une poétique du savoir : étude de l’ensemble des procédures littéraires par lesquelles un discours se soustrait à la littérature, se donne un statut de science et le signifie. La poétique du savoir s’intéresse aux règles selon lesquelles un savoir s’écrit et se lit comme discours spécifique. Elle cherche à définir le mode de vérité auquel il se voue.
ISBN : 9782020200608
Lien vers l'éditeurLa Mésentente
Politique et Philosophie
« Le mot de philosophie politique ne désigne aucun genre ou territoire de la philosophie. Il est le nom d’une rencontre polémique où s’exprime le paradoxe de la politique : son absence de fondement propre.
La politique commence quand l’ordre naturel de la domination et la répartition des parts entre les parties de la société sont interrompus par l’apparition d’une partie surnuméraire, le démos, qui identifie la collection des incomptés au tout de la communauté. L’égalité, qui est la condition non politique de la politique, ne fait effet que par le jeu de cette partie litigieuse qui institue la communauté politique comme communauté du litige. À partir de ce mécompte premier s’institue une logique de la mésentente, également éloignée de la discussion consensuelle et du tort absolu.
La “philosophie politique”, elle, commence avec la récusation platonicienne de l’apparence, du mécompte et du litige propres à la démocratie, et la requête d’une politique “en vérité”. On s’interrogera sur les transformations du régime de cette vérité, de l’archipolitique platonicienne à la métapolitique marxienne, et sur leurs effets en retour dans la pratique politique.
De là peuvent se déduire quelques repères pour analyser aujourd’hui la complémentarité de l’idylle consensuelle et du mélodrame humanitaire, tout comme l’équivalence de la “fin” de la politique et de son “retour” ».
J. R.
ISBN : 9782020200608
Lien vers l'éditeurMallarmé
La politique de la sirène
« Mallarmé n’est ni l’esthète en mal d’essences rares et de mots inouïs, ni le penseur silencieux et nocturne du poème trop pur pour être jamais écrit. Il est le contemporain d’une république cherchant les formes d’un culte civique remplaçant la pompe des religions et des rois. Si son écriture est difficile, c’est qu’elle obéit à une poétique exigeante, répondant elle-même à une conscience exceptionnelle de la complexité d’un moment historique et du rôle que doit y jouer le poème. Difficulté légère comme les jeux d’une petite sirène habile à tromper la faim d’un ogre.»
ISBN : 9782213665863
Lien vers l'éditeurLa parole muette
Essai sur les contradictions de la littérature
La littérature, elle, est au régime de la parole muette. Cela veut dire deux choses contradictoires : d’un côté, la démocratie de l’écriture qui circule sans guide et sans normes sur la minceur du papier et s’en va parler à n’importe qui ; de l’autre, la parole des choses elles-mêmes que l’âge romantique voit écrite dans les circonvolutions des pierres, les fissures des édifices ou les lignes du paysage et qui nourrit l’utopie d’une parole littéraire exprimant la quintessence même de l’expérience sensible.
Entre Balzac, Flaubert, Mallarmé et Proust, ce livre étudie la façon dont la littérature vit cette tension entre deux formes de la parole muette et règle ses comptes avec sa propre utopie.
La chair des mots
Politique de l'écriture
« Quel rapport y a-t-il entre l’arche de Noé et la théorie du roman, la lettre de Don Quichotte à Dulcinée et la lecture de Marx par Althusser, les révolutionnaires français et les jonquilles de la poésie anglaise ? Pourquoi Balzac peine-t-il pour finir le Curé de village et Proust inclut-il la guerre de 1914 dans Le Temps retrouvé ? Pourquoi Deleuze fait-il un Christ du Bartleby de Melville ?
C’est que le roman et les Écritures, la politique et le poème, la littérature et la philosophie se nouent autour d’une même obsession : celle du pouvoir par lequel les mots se donnent chair et se projettent au-delà du livre. Platon a dénoncé les illusions de la ressemblance et Cervantès incarné dans Don Quichotte la folie de ceux qui croient à la réalité des livres. Mais toujours l’“illusion” chassée revient. Quand les exégètes ont fait du Livre de Vie biblique un poème, les poètes transforment le poème en livre du peuple. Quand le philosophe a récusé la lecture religieuse, il fait du livre l’action théâtrale menant à la “porte du jour” ou transforme les personnages de la fiction en intercesseurs d’un peuple à venir.
Ainsi se poursuit obstinément la même guerre de frontières. Wordsworth et Rimbaud rêvent d’un Verbe accordé au mouvement révolutionnaire des peuples. Mais ils déjouent dans le travail du poème cette marche en commun que Mandelstam ruinera au temps de la révolution russe. Balzac et Proust confrontent la vérité du livre à celle du Verbe fait chair. Sans cesse la littérature rejoue et déjoue l’incarnation. Et la philosophie est prise elle-même dans ce jeu de l’écriture avec son corps impossible. »
ISBN : 9782718604992
Lien vers l'éditeurAux bords du politique
«Parler du politique et non de la politique, c’est indiquer qu’on parle des principes de la loi, du pouvoir et de la communauté et non de la cuisine gouvernementale.
Le politique est la rencontre de deux processus hétérogènes. Le premier est celui du gouvernement. Il consiste à organiser le rassemblement des hommes en communauté et leur consentement et repose sur la distribution hiérarchique des places et des fonctions. Je donnerai à ce processus le nom de police.
Le second est celui de l’égalité. Il consiste dans le jeu des pratiques guidées par la présupposition de l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui et par le souci de la vérifier. Le nom le plus propre à désigner ce jeu est celui d’emancipation.»
Jacques Rancière.
ISBN : 9782070301744
Lien vers l'éditeurL’inconscient esthétique
« Ce livre ne s’occupe pas de savoir comment les concepts freudiens s’appliquent à l’interprétation des œuvres littéraires et artistiques. Il se demande pourquoi cette interprétation occupe une place stratégique dans la démonstration de la pertinence des concepts analytiques. Pour que Freud fasse de l’intrigue œdipienne un principe d’intelligibilité, il faut d’abord qu’un certain Œdipe, appartenant à la réinvention romantique de l’antiquité grecque, ait produit une certaine idée de la puissance de pensée de ce qui ne pense pas et de la force de parole de ce qui se tait. Il ne s’ensuit pas que l’inconscient freudien serait déjà préfiguré par l’inconscient esthétique. Les analyses “esthétiques” de Freud montrent bien plutôt une tension entre la logique des deux inconscients. Ce texte tente d’indiquer les modalités et les enjeux de cette confrontation. »
ISBN : 9782718605548
Lien vers l'éditeurMalaise dans l’esthétique
« On accusait hier l’esthétique de dissimuler les jeux culturels de la distinction sociale. On voudrait aujourd’hui délivrer les pratiques artistiques de son discours parasite.
Mais l’esthétique n’est pas un discours. C’est un régime historique d’identification de l’art. Ce régime est paradoxal, car il ne fonde l’autonomie de l’art qu’au prix de supprimer les frontières séparant ses pratiques et ses objets de ceux de la vie ordinaire et de faire du libre jeu esthétique la promesse d’une révolution nouvelle.
L’esthétique n’est pas politique par accident mais par essence. Mais elle l’est dans la tension irrésolue entre deux politiques opposées : transformer les formes de l’art en formes de la vie collective, préserver de toute compromission militante ou marchande l’autonomie qui en fait une promesse d’émancipation.
Cette tension constitutive explique les paradoxes et les transformations de l’art critique. Elle permet aussi de comprendre comment les appels à libérer l’art de l’esthétique conduisent aujourd’hui à le noyer, avec la politique, dans l’indistinction éthique. »
ISBN : 9782718606620
Lien vers l'éditeurLa haine de la démocratie
Nous vivons aujourd’hui dans des pays qui se baptisent « démocraties ». Le discours officiel chantait naguère les vertus de ce système, opposé à l’horreur totalitaire. Ce discours n’a plus cours aujourd’hui, même s’il arrive que des armées soient envoyées promouvoir la démocratie autour du monde. En France en particulier, un parti intellectuel auquel sa place dans les médias donne un pouvoir inconnu ailleurs n’en finit pas de dénoncer les méfaits de l’« individualisme démocratique » qui mine les bases de la vie civique en détruisant les valeurs collectives et les liens sociaux, et les ravages de l’« égalitarisme » qui mène droit vers un nouveau totalitarisme. D’autres découvrent dans la démocratie des penchants criminels, trouvant son origine dans la Terreur et son accomplissement dans l’extermination du peuple juif.
Ces critiques contradictoires mais convergentes ont une cause commune : le caractère profondément scandaleux du « pouvoir du peuple ». La démocratie, gouvernement de tous, est le principe qui délégitime toute forme de pouvoir fondée sur les « qualités » propres de ceux qui gouvernent. Fondée sur l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui, la démocratie n’est ni une forme de gouvernement qui permet à une oligarchie politico-financière guidée par ses experts de régner au nom du peuple, ni cette forme de société que règle le pouvoir de la marchandise. Elle n’est portée par aucune nécessité historique et n’en porte aucune. La chose a de quoi susciter de la peur, donc de la haine, chez ceux qui sont habitués à exercer le magistère de la pensée. Dans ce livre, Jacques Rancière décrit les liens complexes entre démocratie, politique, république et représentation et aide à retrouver, derrière les tièdes amours d’hier et les déchaînements haineux d’aujourd’hui, la puissance toujours neuve et subversive de l’idée démocratique.
ISBN : 9782913372481
Lien vers l'éditeurChroniques des temps consensuels
Le consensus ne signifie pas la pacification des esprits et des corps. Nouveau racisme et épurations ethniques, guerres humanitaires et guerre à la terreur sont au coeur des temps consensuels ; les fictions cinématographiques de la guerre totale et du mal radical ou les polémiques intellectuelles sur l’interprétation du génocide nazi figurent aussi en bonne place dans ce livre. Le consensus n’est pas la paix. Il est une carte des opérations de guerre, une topographie du visible, du pensable et du possible où loger guerre et paix.
Il est aussi un usage du temps qui lui confie mille tours : diagnostic incessant du présent et politiques de l’amnésie, adieux au passé, commémorations, devoir de mémoire, explications des raisons pour lesquelles le passé refuse de passer, répudiation des avenirs qui prétendaient chanter, exaltation du siècle nouveau et des utopies nouvelles.
Ces tours et détours vont vers un même but : montrer qu’il n’y a qu’une seule réalité à laquelle nous sommes tenus de consentir. Ce qui s’oppose à cette entreprise a un nom simple. Cela s’appelle la politique. Ces chroniques voudraient contribuer à rouvrir l’espace qui la rend pensable.
ISBN : 9782020820738
Lien vers l'éditeurPolitique de la littérature
« La politique de la littérature n’est pas celle des écrivains et de leurs engagements. Elle ne concerne pas non plus la manière dont ils représentent les structures sociales ou les luttes politiques. L’expression “politique de la littérature” suppose un lien spécifique entre la politique comme forme de la pratique collective et la littérature comme régime historiquement déterminé de l’art d’écrire.
Ce livre s’attache à montrer comment la révolution littéraire bouleverse de fait l’ordre sensible qui soutenait les hiérarchies traditionnelles, mais aussi pourquoi l’égalité littéraire déjoue toute volonté de mettre la littérature au service de la politique ou à sa place. Il met ses hypothèses à l’épreuve sur quelques écrivains : Flaubert, Tolstoï, Mallarmé, Brecht, Borges, et quelques autres. Il en montre aussi les conséquences pour l’interprétation psychanalytique, la narration historique, ou la conceptualisation philosophique. »
ISBN : 9782718607351
Lien vers l'éditeurLe spectateur émancipé
« Celui qui voit ne sait pas voir » : telle est la présupposition qui traverse notre histoire, de la caverne platonicienne à la dénonciation de la société du spectacle. Elle est commune au philosophe qui veut que chacun se tienne à sa place et aux révolutionnaires qui veulent arracher les dominés aux illusions qui les y maintiennent. Pour guérir l’aveuglement de celui qui voit, deux grandes stratégies tiennent encore le haut du pavé. L’une veut montrer aux aveugles ce qu’ils ne voient pas: cela va de la pédagogie explicatrice des cartels de musées aux installations spectaculaires destinés à faire découvrir aux étourdis qu’ils sont envahis par les images du pouvoir médiatique et de la société de consommation. L’autre veut couper à sa racine le mal de la vision en transformant le spectacle en performance et le spectateur en homme agissant. Les textes réunis dans ce recueil opposent à ces deux stratégies une hypothèse aussi simple que dérangeante : que le fait de voir ne comporte aucune infirmité ; que la transformation en spectateurs de ceux qui étaient voués aux contraintes et aux hiérarchies de l’action a pu contribuer au bouleversement des positions sociales; et que la grande dénonciation de l’homme aliéné par l’excès des images a d’abord été la réponse de l’ordre dominant à ce désordre. L’émancipation du spectateur, c’est alors l’affirmation de sa capacité de voir ce qu’il voit et de savoir quoi en penser et quoi en faire. Les interventions réunies dans ce recueil examinent, à la lumière de cette hypothèse, quelques formes et problématiques significatives de l’art contemporain et s’efforcent de répondre à quelques questions : qu’entendre exactement par art politique ou politique de l’art ? Où en sommes-nous avec la tradition de l’art critique ou avec le désir de mettre l’art dans la vie ? Comment la critique militante de la consommation des marchandises et des images est-elle devenue l’affirmation mélancolique de leur toute-puissance ou la dénonciation réactionnaire de l’ « homme démocratique » ?
ISBN : 9782913372801
Lien vers l'éditeurEt tant pis pour les gens fatigués
Loin d’être accessoire, la réalisation d’entretiens fait partie intégrante du travail de Jacques Rancière. D’entretien en entretien, Rancière s’est toujours attaché à commenter et à expliciter son parcours et ses interventions en en exposant les inflexions et les continuités ; à opérer un travail de définition, de redéfinition et de démarcation par rapport à d’autres interventions théoriques ; à montrer le caractère indissociable de ses textes sur la politique, l’esthétique, l’art, le cinéma et la littérature ; à apporter des réponses aux objections et interrogations soulevées par ses écrits.
Sorte de cartographie en mouvement de la pensée de Jacques Rancière, ce recueil, qui contient notamment des entretiens difficilement accessibles ou inédits en français, constitue un outil indispensable pour tous ceux qui s’efforcent de définir les termes d’une politique démocratique radicale aujourd’hui.
ISBN : 9782354800567
Lien vers l'éditeurAisthésis
Scènes du régime esthétique de l'art
Du Torse du Belvédère analysé par Winckelmann au décor des métayers de l’Alabama décrit par James Agee, en passant par une visite de Hegel au musée, une conférence d’Emerson à Boston, une soirée de Mallarmé aux Folies-Bergère, une exposition à Paris ou New York, une mise en scène à Moscou ou la construction d’une usine à Berlin, Jacques Rancière examine une quinzaine d’événements ou de moments, célèbres ou obscurs, où l’on se demande ce qui fait l’art et ce qu’il fait.
À travers ces épisodes on voit un régime de perception et d’interprétation de l’art se constituer et se transformer en effaçant les spécificités des arts et les frontières qui les séparaient de l’expérience ordinaire. On apprend comment une statue mutilée peut devenir une œuvre parfaite, une image d’enfants pouilleux une représentation de l’idéal, une culbute de clowns l’envol dans le ciel poétique, un meuble un temple, un escalier un personnage, une salopette rapiécée un habit de prince, les circonvolutions d’un voile une cosmogonie, et un montage accéléré de gestes la réalité sensible du communisme : une histoire de la modernité artistique bien éloignée du dogme moderniste.
ISBN : 9782718608525
Lien vers l'éditeurBéla Tarr
Béla Tarr, né en 1955 en Hongrie, a commencé à filmer à la fin des années 1970. Ses films les plus marquants sont Damnation (1988), Les Harmonies Werkmeister (2000), et plus récemment L’Homme de Londres (2007), adaptation de Georges Simenon.
D’Almanach d’automne (1984) au Cheval de Turin (2011), les films de Béla Tarr ont suivi la faillite de la promesse communiste. Mais le temps d’après n’est pas le temps uniforme et morose de ceux qui ne croient plus à rien. C’est le temps où l’on s’intéresse moins aux histoires, à leurs succès et à leurs échecs qu’à l’étoffe sensible du temps où elles sont taillées. Loin de tout formalisme, la splendeur des plans-séquence du Tango de Satan ou des Harmonies Werkmeister est faite d’une attention passionnée à la façon dont la croyance en une vie meilleure vient trouer le temps de la répétition, au courage avec lequel les individus en poursuivent le rêve et en supportent la déception. Pour Jacques Rancière, le temps d’après est notre temps et Béla Tarr est l’un de ses artistes majeurs.
ISBN : 9782918040378
Lien vers l'éditeurFigures de l’histoire
Dans Figures de l’histoire, Jacques Rancière poursuit sa subtile réflexion sur le pouvoir de représentation des images de l’art. Comment fait l’art pour rendre compte des événements qui ont traversé une époque ? Quelle place attribue-t-il aux acteurs qui les ont faits – ou à ceux qui en ont été victimes ? S’interroger sur la manière avec laquelle les artistes découpent le monde sensible pour en isoler ou en redistribuer les éléments, c’est s’interroger sur la politique au cœur de toute démarche artistique. Telle est la démarche de Jacques Rancière, pour qui il n’est pas d’image qui, en montrant ou en cachant, ne dise quelque chose de ce qu’il est admis, dans tel lieu ou à tel moment, de montrer ou de cacher. Mais aussi pour qui il n’est pas d’image qui ne puisse, en montrant ou en cachant autrement, rouvrir la discussion à propos des scènes que l’histoire officielle prétendait avoir figées une fois pour toutes. Représenter l’histoire peut conduire à l’emprisonner – mais aussi à en libérer le sens.
ISBN : 9782130817314
Lien vers l'éditeurLe sillon du poème. En lisant Philippe Beck
« Musique est la brute qui montre. Comment penser ce sillon musical du poème dont le va-et-vient retourne le matériau du langage ordinaire et ravive les paroles gelées d’anciens chants ? Obstinément Philippe Beck récrit et transforme les poèmes du passé, ranime des genres éteints, poétise la prose des contes populaires et même celle des commentaires sur les poèmes. Il réveille du même coup les interrogations et les projets de ceux qui, entre le temps de Schiller et celui de Hegel, voulurent penser et pratiquer une poésie d’après, une poésie du temps où plus rien n’est naturellement poétique. La réflexion sur le sillon ainsi tracé ne peut seulement se mener en prenant des poèmes pour objets d’étude. Elle suppose le dialogue sur ce que ces poèmes tentent de faire et sur l’idée de la poésie qui les soutient. Ce livre sur Philippe Beck est donc aussi un livre fait avec lui. |
En quel temps vivons-nous ?
Conversation avec Eric Hazan
Le titre de cette conversation est à prendre au pied de la lettre. On y parle de peuple, de démocratie, de représentation, de révolution esthétique ou politique, des insurrections d’hier et des occupations d’aujourd’hui. Mais on parle surtout du temps dans lequel il y a du sens à parler de tout cela. Un temps auquel l’Histoire n’a fait aucune promesse ni le passé légué aucune leçon – seulement des moments à prolonger, aussi loin qu’on le peut. En politique, quoi qu’en disent les gens graves, il n’y a que des présents. C’est à chaque instant que se renouvellent les liens de la servitude inégalitaire ou que s’inventent les chemins de l’émancipation.
Les bords de la fiction
On le sait depuis Aristote : ce qui distingue la fiction de l’expérience ordinaire, ce n’est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité. Elle dédaigne en effet l’ordinaire des choses qui arrivent les unes après les autres pour montrer comment l’inattendu advient, le bonheur se transforme en malheur et l’ignorance en savoir.
Cette rationalité fictionnelle a subi à l’âge moderne un destin contradictoire. La science sociale a étendu à l’ensemble des rapports humains le modèle d’enchaînement causal qu’elle réservait aux actions d’êtres choisis. La littérature, à l’inverse, l’a remis en cause pour se mettre au rythme du quotidien quelconque et des existences ordinaires et s’installer sur le bord extrême qui sépare ce qu’il y a de ce qui arrive.
Dans les fictions avouées de la littérature comme dans les fictions inavouées de la politique, de la science sociale ou du journalisme, il s’agit toujours de construire les formes perceptibles et pensables d’un monde commun. De Stendhal à João Guimarães Rosa ou de Marx à Sebald, en passant par Balzac, Poe, Maupassant, Proust, Rilke, Conrad, Auerbach, Faulkner et quelques autres, ce livre explore ces constructions au bord du rien et du tout.
En un temps où la médiocre fiction nommée « information » prétend saturer le champ de l’actuel avec ses feuilletons éculés de petits arrivistes à l’assaut du pouvoir sur fond de récits immémoriaux d’atrocités lointaines, une telle recherche peut contribuer à élargir l’horizon des regards et des pensées sur ce qu’on appelle un monde et sur les manières de l’habiter.
ISBN : 9782021296556
Lien vers l'éditeurLes temps modernes
Art, temps, politique
L’opinion intellectuelle dit que nous en avons fini avec les grands récits et avec le modernisme artistique. Il n’est pas sûr pourtant que nous ayons commencé à penser ce que recouvrent ces termes. Pour comprendre ce qui se joue dans les mouvements d’émancipation et dans les bouleversements des arts qui les accompagnent, il faut prendre en compte la double dimension du temps. Derrière l’image simple de la ligne tendue entre le passé et l’avenir, qui porte promesses et désillusions, il y a la hiérarchie des formes de vie séparant ceux qui ont le temps de ceux qui ne l’ont pas. Jacques Rancière montre comment la lutte contre ce partage des temps est au cœur des révolutions politiques et artistiques modernes et complexifie la trop simple apparence de la rupture entre l’ancien et le nouveau. Un philosophe transcendantaliste, deux ouvriers du bâtiment, trois cinéastes et quelques danseuses l’aident à en construire la scène.
ISBN : 9782358721639
Lien vers l'éditeurLe temps du paysage
Aux origines de la révolution esthétique
En 1790, Kant introduit l’art des jardins dans les Beaux-Arts et les scènes de la nature déchaînée dans la philosophie. La même année, Wordsworth lit les signes de la révolution sur les routes et les rivières de la campagne française tandis que Burke dénonce ces révolutionnaires niveleurs qui appliquent à la société la symétrie des jardins à la française. Le paysage est ainsi bien plus qu’un spectacle qui charme les yeux ou élève l’âme. Il est une forme d’unité de la diversité sensible qui bouleverse les règles de l’art et métaphorise l’harmonie ou le désordre des communautés humaines. À travers un siècle de débats sur l’art du paysage, Jacques Rancière poursuit son enquête sur cette révolution des formes de l’expérience sensible qui unit et excède les bouleversements de l’esthétique et ceux de la politique.
ISBN : 9782358721912
Lien vers l'éditeurLes trente inglorieuses
Scènes politiques
Il y a trente ans les augures annonçaient le triomphe mondial de la démocratie et l’avènement d’un âge consensuel où la considération réaliste des problèmes objectifs engendrerait un monde apaisé. Si ces belles espérances ont été cruellement démenties, ce n’est pas seulement par l’agression de forces externes. C’est de l’intérieur que le consensus s’est révélé comme la violence d’un capitalisme absolutisé et comme une machine à fabriquer toujours plus d’inégalité, d’exclusion et de haine. Les interventions réunies ici suivent les étapes de ce retournement à travers les campagnes de la pax americana, de l’invasion de l’Irak à celle du Capitole, et la progression continue chez nous d’un racisme d’en-haut qui a su enrôler à son service les progressismes désenchantés. Mais elles s’attachent aussi à suivre la dynamique des mouvements qui n’ont cessé d’affirmer, contre la logique mortifère du consensus, la puissance des égaux assemblés et leur capacité d’inventer d’autres formes de monde.
ISBN : 9782358722247
Lien vers l'éditeurLes voyages de l’art
Le moment où l’art a été identifié comme une sphère d’expérience autonome et installé dans les musées et les salles de concert est aussi celui où s’est imposée à lui la nécessité de sortir de lui-même, de devenir autre chose que de l’art.
La musique a prétendu être plus que l’art des musiciens : la langue de l’esprit ou le drame de l’avenir. L’architecture a voulu construire non plus seulement des bâtiments, mais un monde nouveau et cherché pour cela à s’envoler dans les airs. Les artistes révolutionnaires ont décidé de confectionner non plus des tableaux, mais les formes de la vie nouvelle. Et les performances et installations de l’art contemporain se tiennent sur la frontière indécise du dedans et du dehors, de l’art et de la politique.
En suivant quelques-uns de ces voyages, Jacques Rancière montre aussi comment les vieux maîtres, Kant et Hegel, nous aident à en comprendre les détours.
ISBN : 9782021523942
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