La fièvre du chocolat noir

Cet événement est intégré au cycle « Semaine PhiloMonaco 2024 »

On présentait cela comme résultat d’une « recherche » : si un prisonnier, par son propre choix, se nourrissait exclusivement de chocolat, il mourrait au bout de huit mois, au bout de deux ans s’il ne buvait que du café, au bout de trois ans s’il n’absorbait que du thé. Honoré de Balzac, consommateur exagéré de café, avait vu tout de suite qu’il s’agissait d’un fake : la prétendue enquête avait été commandée par la Compagnie des Indes, qui importait du thé. Mais il y a eu des savants, comme le biologiste suédois Carl von Linné, qui, pour éviter toute critique, ont préféré en rester à ce qui ne mange pas de pain : le cacao serait « boisson des dieux ». Avant lui, un moine oublié vit le chocolat comme « incendie des passions », et voulut qu’il fût interdit dans les couvents. Bizarre ? Non  car ce sont bien des débats théologiques que provoqua d’abord l’apparition du chocolat en Europe et non pas gastronomiques. Boire une tasse de chocolat, est-ce interrompre le jeûne, rigoureusement prescrit pas les lois de l’Église ? La délicieuse, dense et sensuelle substance provenant du Nouveau Monde est-elle seulement une boisson  ou un poison, un excitant, un euphorisant, une sorte d’aphrodisiaque, capable d’apporter à la gourmandise la force d’annihiler toutes les vertus théologales, de brûler l’âme et la livrer aux plaisirs charnels, à la lascivité, à la débauche ? Ce qui est trop bon est mal ! Plus tard, on dira que le café est en syntonie avec l’éthique protestante, qu’il sied à l’ascèse, au rationalisme, à la rigueur et au sens du travail de la bourgeoisie progressiste, alors que le chocolat, lui, capiteux, émoustillant, convient à l’aristocratie oisive. Chocolat, objet politique, objet sexuel, péché, drogue ? Que ces débats sont loin ! Vraiment ?

Intervenants

Robert Maggiori

Membre fondateur / Philosophe

Robert Maggiori est philosophe, traducteur, journaliste, critique littéraire et philosophique (Libération). Il a publié plus d’un millier d’articles, dont des…

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