Parler à quelqu’un, disait Levinas, c’est faire que la personne à qui on s’adresse soit, ne serait-ce qu’un instant, la personne la plus importante du monde. Comment serions-nous, en effet, si personne, jamais, ne nous adressait la parole ? Outre cette vertu morale, la parole a bien d’autres facultés : elle agit quand elle est performative, elle impressionne, blesse, sauve, construit une histoire avec l’autre et, surtout, en tant que manifestation la plus sophistiquée et complexe du langage, elle sert à traduire la pensée, avec toutes les difficultés soulignées par Bergson que cela comporte. Pourtant, aujourd’hui, si on demandait quelle est sa fonction première, nul doute que la réponse, immédiate, serait : communiquer.
La valorise-t-on ainsi, ou bien la réduit-on, ou condamne-t-on à n’être qu’un vecteur technique de messages ?