La tyrannie de la beauté?

Conversation

Cet événement est intégré au cycle « Semaine PhiloMonaco 2024 »

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Il peut paraître superfétatoire, et même quelque peu indécent – surtout s’il s’agit de la beauté du corps et non de celle de l’âme – de « plaindre » la beauté parce qu’elle serait soumise à se maintenir telle ou à devenir une beauté encore plus belle sous les injonctions, les sommations, les diktats de la société – alors que tant de femmes et d’hommes, voire d’enfants et d’adolescent(e)s, connaissent vexations et humiliations, frustrations, rancœurs et souffrance parce que du cercle de la beauté ils se sentent exclus, à cause d’une imperfection, d’un bouton d’acné, d’une poitrine trop petite, d’un corps trop lourd, d’un nez en lorgnette, d’un sourire disgracieux, de traits trop grossiers… S’il y avait un tyran de la laideur, il serait vite renversé, car nul n’en veut, et chacun en pâtit par lui-même et sous le regard des autres. Mais qu’est-ce que la tyrannie de la beauté ? Pointe-t-elle du doigt le mystère du charme et le vertige qu’est la vie d’un humain, comparé à tout ce qui est immortel et qu’il voit défiler, en tant que spectateur éphémère ? Que révèle-t-elle d’une société ? Ne serait-elle pas la tyrannie de l’uniformité et par conséquent, d’une certaine manière, la haine de la singularité ? Ne serait-elle pas la peur de l’inconnu, du différent et donc, de l’imprévisible ? Une sommation à être beau et belle tout le temps et en toute circonstance, à faire feu de tout bois pour faire disparaître le moindre signe de vieillissement, la moindre ombre du visage, la plus petite ride, le plus imperceptible affaissement des joues, la moindre manifestation de fatigue, de stress, de perte de vitalité ? Une telle sommation existe bel et bien, et passe par le haut-parleur de la publicité – l’industrie qui la mandate – ainsi que par les canaux multiples qu’une société de consommation utilise pour que tout soit consommé, y compris son propre corps. Pommades, crèmes miraculeuses, gymnastique, injections de toxine botulique, lifting cervico-facial, radiofréquence ou technique laser visant à repulper la peau, stimulation cellulaire, peeling, cryolipolyse, lipofilling acupuncture, « réjuvénation par lumière pulsée », chirurgie esthétique des paupières, du menton, des fesses, des lèvres, des ailes du nez, de l’ovale du visage, de la poitrine, etc. Certes, il est bien des révoltes contre ce tyran esthétique, d’une myriade de personnes qui préfèrent être ce qu’elles sont plutôt que de paraître ce qu’elles ne sont pas ou plus. Mais s’il n’est pas encore détrôné, c’est que ledit tyran agit sur de subtils ressorts : le sentiment, plus ou moins conscient, que vieillir, c’est mourir un peu – même si les marques de la vieillesse apparaissent à vingt ans. Heureusement, quand on parle d’une « belle personne », on entend encore une personne de bien, juste, honnête, bienveillante, accueillante. La cosmétique n’a pas encore vaincu l’éthique.

Intervenants

Fanny Arama

Docteure en littérature française

Fanny Arama est agrégée de lettres modernes et docteure en littérature française. Elle a dirigé l’ouvrage collectif Expériences mystiques : énonciations,…

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Sarah Chiche

Écrivaine, psychologue clinicienne, psychanalyste

Sarah Chiche est écrivain, psychologue clinicienne (diplômée de l'université Paris Diderot) et psychanalyste. Elle est l'auteur de quatre romans -…

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Normalien, agrégé d'anglais, Augustin Trapenard est un journaliste, universitaire et critique de livres et de films français. Il a étudié à UC…

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Anne Berest

Écrivaine et scénariste

Anne Berest, née en 1979 à Paris, est une écrivaine et scénariste française. Après des classes préparatoires au lycée Fénelon, elle…

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