Violences et politique, politiques de la violence // Guillaume Le Blanc

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La violence est bien une sidĂ©ration, le contraire d’une considĂ©ration. Elle annule lĂ  oĂč la considĂ©ration restitue. Ce Ă  quoi nous assistons aujourd’hui, ce dont nous sommes les contemporains, c’est bien la montĂ©e en puissance d’un rĂ©gime de violence/peur. La peur d’ĂȘtre victime de la violence terroriste, de la violence Ă©conomique, de la violence bureaucratique n’annule pas les frontiĂšres de la violence, mais crĂ©e un sentiment de forte vulnĂ©rabilitĂ©, un Ă©tat d’insĂ©curitĂ©.

« La violence est certainement un contact de la pire espĂšce, qui expose sous son jour le plus terrible la vulnĂ©rabilitĂ© originaire de l’ĂȘtre humain aux autres ĂȘtres humains ; elle est la façon dont nous sommes livrĂ©s, sans contrĂŽle, Ă  la volontĂ© d’autrui et dont la vie elle-mĂȘme peut ĂȘtre anĂ©antie par l’action dĂ©libĂ©rĂ©e d’autrui. » (1)

Nous vivons aujourd’hui avec l’idĂ©e que notre vie peut ĂȘtre anĂ©antie par quelqu’un que nous ne connaissons pas et qui ne nous connaĂźt pas. La violence n’est plus seulement violence de la proximitĂ©, elle devient, avec le terrorisme, violence de la distance, exercice de la violence par la distance. Que signifie dĂšs lors vivre avec ce sentiment de peur liĂ© Ă  une forme de vulnĂ©rabilitĂ© Ă  l’autrui ? Il faut ici reconnaĂźtre que nous sommes alors doublement suspendus Ă  la possibilitĂ© de la violence. PremiĂšrement, nous pouvons ĂȘtre saisis par elle, par cette vulnĂ©rabilitĂ© Ă  autrui, il n’y a aucune possibilitĂ© de s’y soustraire ; plus encore, elle se vĂ©rifie psychiquement par un Ă©tat de stupeur/peur qui frappe celui qui est atteint par la violence, mais dans un autre sens que celui qui est exposĂ© au spectacle de la violence et qui se trouve plongĂ© dans une sorte d’état d’hĂ©bĂ©tude devenant rapidement un Ă©tat de commotion. Il suffit de nous remĂ©morer notre stupeur devant l’effondrement des tours du 11 septembre. DeuxiĂšmement, nous risquons de rĂ©pondre Ă  la violence par la violence. Le propre de la violence Ă©tant de susciter la violence pour mettre fin Ă  la violence. Tant sur le plan individuel que sur le plan national, il est rare qu’une exposition Ă  la violence conduise Ă  rechercher les raisons de cette violence et ouvre la voie d’une comprĂ©hension non violente de la violence (
)

(1) Judith Butler, Vie prĂ©caire. Les pouvoirs du deuil et de la violence aprĂšs le 11 septembre 2001, Paris, Éditions Amsterdam, 2005

 

Guillaume Le Blanc, « Violences et politique, politiques de la violence », La violence, Les Rencontres Philosophiques de Monaco, 2018, pp.68-69

 

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