Pourquoi l’ĂȘtre humain a-t-il peur ?

Philo Blog

Robert Maggiori, philosophe, répond à la question de Rodrigo, 13 ans

 

Les Rencontres Philosophiques de Monaco vous proposent chaque semaine une question d’enfant Ă  laquelle rĂ©pond un philosophe.

Cette semaine Robert Maggiori, philosophe et Membre fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco, répond à la question de Rodrigo, 13 ans 

 

Pourquoi l’ĂȘtre humain a-t-il peur ? Et bien Rodrigo, tu ne fais pas dans la facilitĂ©, parce que c’est une question bien bien bien complexe. On peut dire d’abord que l’ĂȘtre humain il a peur parce qu’il a Ă©tĂ© privĂ© Ă  sa naissance du milieu oĂč il Ă©tait le plus Ă  l’abri. C’est Ă  dire le ventre de sa maman. Et en sortant dans le monde, en venant au monde, il se trouve ĂȘtre le plus fragile de tous les ĂȘtres. Tu vois le bĂ©bĂ©, il suffit que tu le laisses 3h la fenĂȘtre ouverte l’hiver et il s’enrhume, il meurt. Il peut mourir. Et donc le bĂ©bĂ© a besoin de retrouver cette protection, qui ne sera jamais entiĂšre, qui ne sera jamais effectivement comme celle que lui procurait le ventre de sa maman. Et donc l’enfant va avoir effectivement, la peur de se sentir blessĂ©, la peur du noir, la peur imaginaire. En fait, on peut rĂ©sumer Ă  quatre les sources de peur. D’abord, l’enfant il a peur d’ĂȘtre abandonnĂ©. C’est Ă  dire de se retrouver tout seul et d’ĂȘtre quittĂ© par ceux qu’il aime. Ensuite l’enfant, et mĂȘme l’adulte, il a peur de la perte. Il a peur de perdre ce Ă  quoi il tient. Alors ça peut ĂȘtre des choses, mais le plus souvent ce sont aussi des personnes. Puis ensuite, il a peur d’ĂȘtre mutilĂ©, d’ĂȘtre blessĂ©, qu’un Ă©lĂ©ment, je ne sais pas, un couteau, un mĂ©tal, un bout de caillou, puisse atteindre Ă  son intĂ©gritĂ©, tu vois, puisse briser son corps. Et il peut se casser des cĂŽtes en faisant du vĂ©lo, il peut s’Ă©corcher un bras effectivement en tombant par terre. Et ensuite il a peur aussi d’ĂȘtre humiliĂ©. C’est Ă  dire de recevoir de la part d’autrui des jugements qui le minimisent, qui le rabaissent, qui ne correspondent pas Ă  ce qu’il est. Tu vois, ça peut ĂȘtre une remarque d’un instituteur, d’un professeur, une remarque d’un ami : « T’es pas beau » ou « T’es mal habillĂ© », « Tu sais pas travailler », «T’es bĂȘte» etc.. Si on faisait la liste de toutes les peurs, on n’en finirait pas. Mais ce qu’il faut aussi ajouter Ă  ce que je viens de te dire, c’est que les peurs, il y a les peurs rĂ©elles, c’est Ă  dire j’ai peur de quelque chose. J’ai peur des araignĂ©es, je peux avoir peur des orages. Mais il y a aussi les peurs imaginaires, celles qui ne naissent que dans notre tĂȘte. C’est Ă  dire avoir peur des fantĂŽmes, avoir peur, je ne sais pas, que le ciel nous tombe sur la tĂȘte. Et donc si l’enfant a beaucoup de peurs, ça peut l’empĂȘcher de vivre donc le premier tri qu’il doit faire c’est entre les peurs rĂ©elles, celles qui tiennent aux quatre domaines que j’ai citĂ©, et puis les peurs un peu fantaisistes ou illusoires. Mais d’une certaine maniĂšre il faut aussi valoriser la peur. Tu vois la peur c’est pas quelque chose de nĂ©gatif, la peur ça permet d’abord de te protĂ©ger. Tu vois, c’est parce que tu as peur de tomber en vĂ©lo que tu mets un casque. Et aussi la peur permet d’Ă©viter les dangers. C’est parce que tu as peur peut-ĂȘtre de plonger dans cette riviĂšre trop tumultueuse que tu n’y vas pas. Et donc tu te protĂšges. Et puis enfin la peur a aussi une vertu, c’est que, c’est parce que tu as peur que tu peux ĂȘtre courageux. Tu vois que tu peux faire des choses qui te rĂ©vĂšlent Ă  toi-mĂȘme des dimensions que tu ne soupçonnais pas. Par exemple, un petit garçon qui est avec toi, qui joue et qui tombe dans la piscine. Toi tu sais pas nager donc tu as peur de plonger mais tu plonges quand mĂȘme. Et dans ce cas lĂ  tu es vraiment courageux. Donc tu vois la peur c’est une forme de protection et aussi le prĂ©lude Ă  certaines vertus. C’est parce que tu as peur que tu peux ĂȘtre par exemple courageux. VoilĂ  ! Bonne journĂ©e. Ciao, ciao !

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